Allaitement et chirurgie mammaire : Savoir pour optimiser vos chances

Par Céline Bourganeuf, Consultante en Lactation Certifiée IBCLC.

De nombreuses femmes ayant subi une chirurgie mammaire, qu’elle soit esthétique (augmentation, réduction) ou reconstructrice, s’interrogent sur leur capacité à allaiter. La bonne nouvelle est que, dans la grande majorité des cas, l’allaitement est possible, mais il est crucial d’être bien informée et accompagnée précocement.

La réussite dépend largement du type de chirurgie, de l’emplacement des incisions et du temps écoulé depuis l’intervention. En tant qu’IBCLC, je vous guide à travers les facteurs clés à considérer pour optimiser votre expérience.


1. Comprendre l’impact de la chirurgie sur la lactation

La production de lait repose sur l’intégrité de trois éléments essentiels : les tissus glandulaires (où le lait est fabriqué), les canaux galactophores (qui acheminent le lait) et les nerfs sensoriels (qui transmettent le signal hormonal au cerveau).

Facteur temps et reconstruction :

Un point essentiel à retenir est que plus la chirurgie est ancienne, plus les chances d’allaitement sont grandes. Avec le temps, une certaine reconstruction spontanée des canaux galactophores et une réinnervation partielle sont possibles, améliorant ainsi la fonctionnalité du sein.

Augmentation mammaire (Implants)

  • Emplacement de l’incision : L’impact est généralement plus faible si l’incision est faite sous le sein (pli inframammaire) ou au niveau du creux axillaire, car cela préserve les nerfs et les canaux.

  • Emplacement de l’implant : Les implants placés sous le muscle (rétromusculaire) ont tendance à exercer moins de pression sur les tissus glandulaires que ceux placés au-dessus (préglandulaire), ce qui préserve la production de lait.

  • Risque majeur : Si l’incision est faite autour de l’aréole (péri-aréolaire), le risque de section des canaux galactophores et des nerfs est significativement plus élevé, pouvant entraîner une baisse de la sensibilité du mamelon et donc une moindre stimulation hormonale (prolactine et ocytocine).

Réduction mammaire

  • Risque majeur : La quantité de tissu glandulaire retiré et la nécessité de déplacer le mamelon et l’aréole peuvent sectionner une plus ou moins grande partie des canaux galactophores.

  • Le facteur « Greffe libre du mamelon » : Si le mamelon a été complètement retiré et réimplanté (free nipple graft), les canaux sont le plus souvent irréversiblement coupés, rendant l’allaitement par le sein opéré très difficile, voire impossible.

2. Le rôle crucial de la consultation prénatale IBCLC

Si vous avez subi une chirurgie mammaire et souhaitez allaiter, une consultation précoce avec une IBCLC est indispensable, idéalement pendant le deuxième trimestre de votre grossesse.

  1. Évaluation personnalisée : Nous analysons votre dossier chirurgical pour déterminer le type d’incision, la technique utilisée et l’étendue des dommages potentiels.

  2. Bilan de la sensibilité : Nous évaluons la sensibilité du mamelon (cruciale pour le réflexe d’éjection).

  3. Plan de naissance et d’allaitement : Nous élaborons ensemble une stratégie personnalisée dès la salle de naissance :

    • Stimulation précoce et mise au sein fréquente pour optimiser la lactogénèse 2 avec une espression mamnuelle du colostrum possible.

    • Surveillance accru du transfert de lait et du poids du bébé.

3. Les clés pour optimiser la production de lait

Même si la production est réduite, il est important de retenir que tout allaitement est un allaitement réussi. Que vous puissiez nourrir votre bébé exclusivement au sein ou que vous deviez compléter, l’allaitement partiel reste un cadeau précieux pour votre enfant, lui offrant les anticorps, les hormones de croissance et le confort, le lien qu’il recherche et dont il a besoin.

Plusieurs stratégies peuvent maximiser le lait disponible :

  • Stimulation précoce et fréquente : Le signal de production doit être maximisé. Utilisez un tire-lait de qualité après les tétées (ou à la place des tétées en cas de douleur) pour vider efficacement les seins.

  • Allaitement mixte maîtrisé : Si une supplémentation est nécessaire, nous vous aidons à la gérer de manière à préserver au maximum votre production (par exemple, utilisation d’un DAL (Dispositif d’Aide à la Lactation) au sein, tire lait, compression mammaire douce).

  • La technique du « Super Allaitement » : Concentrez-vous sur le sein qui produit le mieux. Allaiter d’un seul sein est possible même pour un allaitement exclusif.

L’impact réel des divers types de chirurgie mammaire sur l’allaitement varie considérablement en fonction de l’intervention spécifique, de la technique chirurgicale utilisée, et de l’intégrité des structures mammaires conservées. Le bon fonctionnement de la lactation repose sur une glande mammaire fonctionnelle, la continuité des canaux lactifères, une sensibilité normale du mamelon et l’intégrité du système nerveux responsable de la sécrétion réflexe de prolactine et d’ocytocine.

Voici un aperçu des conséquences potentielles pour les principaux types de chirurgie mammaire :

1. Chirurgie d’Augmentation Mammaire (Implants)

L’allaitement est généralement possible après une augmentation mammaire esthétique.
Mécanisme et Implants : Les implants mammaires (silicone ou sérum physiologique) sont insérés derrière la glande mammaire ou sous le muscle pectoral, ce qui permet de préserver la glande et les canaux galactophores. L’implant lui-même est inerte et n’est pas endommagé ou déplacé par l’allaitement.
Risques liés à l’incision : L’incision est un facteur crucial. L’incision périaréolaire (autour de l’aréole) est la plus susceptible d’affecter négativement l’allaitement. Les incisions sous l’aisselle ou sous le sein n’ont théoriquement pas d’impact sur la fonction glandulaire.

Risques de production insuffisante : Les IBCLC ont constaté un taux plus élevé de problèmes d’allaitement chez les mères porteuses d’implants. Dans une étude, 64 % des mères avec implants avaient une sécrétion lactée insuffisante, en particulier lorsque l’incision était périaréolaire. L’implant, surtout s’il est volumineux ou s’il est entouré d’une coque fibreuse, peut comprimer la glande mammaire, potentiellement induisant une atrophie.

Sensibilité : Certaines chirurgies esthétiques peuvent entraîner une perte de sensibilité au niveau du mamelon (environ 2 % des cas), ce qui peut compromettre l’allaitement en affectant le réflexe d’éjection.

Sécurité des Implants : Les études n’ont pas trouvé de différence significative du taux de dérivés de silicone (silice) dans le lait des mères porteuses ou non d’implants mammaires. À l’heure actuelle, il n’existe aucune raison de penser que l’allaitement par une personne porteuse d’implants présente des risques pour l’enfant, malgré quelques études de qualité médiocre ayant décrit des pathologies chez les nourrissons (troubles de la motilité œsophagienne ou douleurs intestinales).

2. Chirurgie de Réduction Mammaire

Le taux de réussite de l’allaitement est significativement plus bas après une chirurgie de réduction mammaire.

Impact : La réduction mammaire implique souvent la section du canal galactophore et l’ablation d’une partie du tissu mammaire. La quantité de lait que la mère pourra sécréter est la principale question. Le taux de réussite varie de 0 % à 70 % selon le type de chirurgie.

Techniques Chirurgicales :

    ◦ Déplacement du mamelon libre : Le mamelon est découpé puis replacé. La lactation est théoriquement impossible, bien que des cas documentés d’allaitement suggèrent une capacité de régénération des canaux.

    ◦ Transposition simple : Le mamelon reste attaché au tissu. Cette méthode est plus favorable, surtout si la réduction se fait à partir de tissu non glandulaire et si la quantité de tissu enlevée est faible.

Mécanismes de l’échec : La chirurgie peut léser les nerfs interférant avec le réflexe d’éjection, sectionner les canaux lactifères (empêchant l’écoulement sans recanalisation), ou laisser une quantité de tissu glandulaire restante insuffisante.

Pronostic et Suivi : Presque toutes les personnes arriveront à avoir du lait. Si l’intégrité de la glande mammaire et sa liaison avec le mamelon ont été préservées au maximum, l’allaitement est généralement possible, mais des compléments sont parfois nécessaires. Les personnes allaitantes peuvent envisager la perspective de donner des compléments. Un suivi étroit est nécessaire pour optimiser la lactation et la croissance de l’enfant.

3. Autres Types de Chirurgie Mammaire

Type de chirurgie

 

Impact sur l’allaitement

 

Détails et nuances

 

Correction d’une Ptose (Lifting)

 

Conséquences similaires à la réduction.

 

Si la correction est isolée et réalisée par transposition simple sans toucher la glande mammaire, les capacités fonctionnelles des seins seront moins affectées. Il est recommandé d’attendre au moins 6 mois après l’opération pour un projet d’allaitement.

 

Biopsies et Ablation de Tumeurs

 

Impact généralement localisé.

 

Le principal risque est l’isolation d’une partie de la glande, ce qui peut provoquer un engorgement localisé. Souvent, la zone non vidée involue naturellement. Puisque cette chirurgie ne touche généralement qu’un seul sein, l’autre reste parfaitement fonctionnel.

 

Mammectomie / Chirurgie Reconstructrice

 

Allaitement impossible du côté opéré.

 

En cas de mastectomie, la glande mammaire est généralement ôtée dans sa totalité. L’allaitement peut se poursuivre avec le sein controlatéral non opéré. L’allaitement devient impossible en cas de double mastectomie.

 

Lipofilling Mammaire

 

Aucun danger pour l’allaitement futur.

 

Cette technique utilise la propre graisse corporelle de la patiente et ne présente aucun danger pour l’allaitement, similaire à l’augmentation par implants.

 

Correction de Mamelons Rétractés/Invaginés

 

Impact potentiel, informations limitées.

 

La correction chirurgicale vise à sectionner les tracti fibreux. Cela peut perturber l’allaitement futur car l’opération peut sectionner les canaux galactophores. Théoriquement, l’intervention n’a pas d’impact négatif si elle est faite avec soin, mais aucune étude n’a évalué la capacité à allaiter après cette chirurgie.

 

Chirurgie Thoracique

 

Impact faible à l’âge adulte, risque si pratiquée pendant l’enfance.

 

Si la chirurgie a lieu pendant l’enfance, elle peut léser la glande mammaire immature. Cependant, la récupération est possible, surtout si l’intervention a eu lieu avant la puberté.

 

En conclusion, il est crucial de noter qu’il est impossible de prédire à l’avance ce qui se passera exactement. Le corps humain a une capacité d’auto-réparation et chaque nouvelle grossesse est l’occasion d’un développement mammaire. Il est conseillé de commencer à allaiter et de suivre la situation de près, en se concentrant sur la croissance de l’enfant. Plus le temps écoulé depuis l’opération est long, plus les chances de réparation sont élevées.
Le chemin vers l’allaitement après une chirurgie mammaire peut demander plus d’efforts, mais avec la bonne information et un suivi expert, de nombreuses personnes réussissent à allaiter.

N’attendez pas la naissance pour vous préparer : la connaissance est votre meilleure alliée.

Céline Bourganeuf Consultante en Lactation Certifiée IBCLC, Présidente de l’AFCL, Fondatrice du forum Mum Mood & du Centre périnatl Mum Care.

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Rédactrice : 

Céline BOURGANEUF
Consultante en lactation IBCLC
Accompagnante BN, Approche Colson
celinebourganeuf.com